- JULIEN L’APOSTAT
- JULIEN L’APOSTATAu siècle qui vit l’Empire romain évoluer vers ce qui devint l’Empire byzantin, l’empereur Julien, durant un règne de vingt mois (361-363), tenta d’opérer un renversement complet de la tendance. Il voulut abandonner le despotisme bureaucratique et la solennité de l’appareil monarchique pour revenir à la simplicité des empereurs du Haut-Empire. Surtout, il interrompit brutalement la christianisation de l’Empire, œuvre de Constantin et de ses fils, pour revenir au paganisme. Ces mesures étaient, en fait, peu réalistes et mêlées de beaucoup de contradictions. Sa personnalité était singulière et souvent attachante, mais rien ne lui survécut de son œuvre politique et religieuse.La jeunesseJulien était le neveu de Constantin, le fils de son demi-frère. À la mort de l’empereur (337), ses trois fils firent massacrer tous les membres de cette branche de leur famille, à l’exception de Julien et de son frère Gallus, qui durent leur salut à leur jeunesse. Julien avait six ans et cette tuerie, qui eut lieu sous ses yeux, devait le marquer profondément. Il fut élevé loin de la cour de Constantinople, envoyé en exil dans une ville perdue de Cappadoce. Cependant, des précepteurs surent éveiller en lui le goût de la culture et des lettres grecques. Il fut aussi élevé dans le christianisme et baptisé, mais la littérature grecque païenne le marqua beaucoup plus que la religion du Christ. En 347, l’empereur Constance II le rappela d’exil: il put venir à Constantinople, fréquenter les maîtres et les philosophes les plus célèbres. C’est en 351 qu’il se convertit secrètement au paganisme: le néo-platonicien Maxime d’Éphèse l’initia aux mystères païens. En 355, il put craindre de périr en même temps que son frère Gallus qui, associé au pouvoir avec le titre de César, avait commis de graves exactions et avait été exécuté. Cependant, Julien put partir à Athènes, où il étudia et se fit initier aux mystères d’Éleusis. Constance l’appela à Milan, sa résidence temporaire, en novembre 355; il l’associa au pouvoir en le nommant César et l’envoya en Gaule.L’œuvre de Julien César en GauleLa Gaule était ravagée par la guerre menée contre l’usurpateur Magnence et par l’invasion des Alamans qui en avait été la conséquence. Quand Julien, en 357, reçut le commandement général des troupes, on vit cet intellectuel, comme jadis son modèle Marc Aurèle, déployer une remarquable activité militaire et remporter de grandes victoires. Il battit les Alamans devant Sens, puis, en août 357, il remporta sur les Barbares un succès décisif près d’Argentoratum (Strasbourg). Les provinces gauloises étaient, pour le moment, libérées de la menace germanique. Les années suivantes, Julien mena ses troupes au-delà du Rhin. Pendant plusieurs hivers successifs, il prit ses quartiers à Paris, dont il vanta le charme dans ses écrits. C’est là qu’en février 360 ses troupes le proclamèrent Auguste. Constance refusa d’accepter le fait accompli et, en novembre, Julien se résigna à l’usurpation et ceignit le diadème. L’année suivante, il partit pour Constantinople avec son armée, en suivant la route du Danube; il n’y eut pas de guerre civile car on apprit en novembre 361 que Constance était mort de maladie et avait, disait-on, désigné Julien comme successeur.Le règne de Julien et la réaction païenneJulien affirma s’inspirer d’Auguste, de Trajan et de Marc Aurèle; il voulait apparaître comme un prince humain et simple et non plus comme un despote isolé par une étiquette rigide. Les fonctionnaires corrompus ou inutiles furent éliminés, la police politique affaiblie; les impôts furent allégés et les cités retrouvèrent leurs biens confisqués. Ce retour au passé était plus apparent que réel; Julien ne changea pas les institutions constantiniennes et il est douteux que l’État romain eût pu supporter longtemps un allégement fiscal important, vu les nécessités militaires. De plus, Julien se considérait comme un personnage divin, issu du dieu Soleil, gouvernant sous l’inspiration des dieux: ces conceptions théocratiques étaient incompatibles avec la restauration d’un principat libéral. Il apporta tous ses soins à son œuvre religieuse. Depuis qu’il avait usurpé son titre, il se déclarait ouvertement païen. D’abord, il proclama la tolérance religieuse pour tous, ce qui permit aux évêques orthodoxes, exilés par l’arien Constance, de rentrer dans leurs cités. Il restitua leurs biens et privilèges aux temples et aux cultes païens et il supprima les privilèges des clercs chrétiens. Il adapta au paganisme des institutions spécifiquement chrétiennes: dans chaque province, il nomma un grand prêtre, sorte d’archevêque païen, qui recevait de l’empereur, grand pontife, des sortes d’encycliques. On devait installer dans les temples des ambons d’où seraient donnés des sermons commentant les textes sacrés païens. Julien voulait aussi instituer des maisons de vierges sacrées, des organismes de bienfaisance auprès des sanctuaires; une manière de catéchisme païen fut rédigé. Le but de l’empereur était clair: il s’agissait de donner au paganisme la force que son unité, son universalité, son organisation donnaient au christianisme. C’était reconnaître l’impossibilité d’une restauration pure et simple de l’ancienne religion.L’attachement de Julien à la vieille religion grecque était sincère mais, pour l’essentiel, ses convictions se rattachaient au courant mystique oriental de la nouvelle religiosité. Son auteur préféré était Jamblique, philosophe païen du IVe siècle qui avait égaré la mystique néo-platonicienne dans les voies de l’occultisme et de la magie. Julien pratiqua avec passion la «théurgie», les rites magiques destinés à agir sur les dieux: gnose païenne d’un mysticisme assez trouble, sa religion était fort éloignée du paganisme classique.Son hostilité au christianisme devenait de plus en plus violente. Il exclut les chrétiens des fonctions publiques. En Orient, il y eut des violences réciproques, et des chrétiens furent massacrés par la populace, avec la complicité de certains gouverneurs. Julien interdit aux chrétiens les fonctions de professeur: pour commenter les lettres païennes, il fallait être païen. Les troubles qui marquèrent le séjour de l’empereur à Antioche de juillet 362 à mars 363 illustrent son impopularité. La logique de sa politique l’amenait à reprendre la persécution et certains l’y poussaient. Il n’en eut pas le loisir car, parti à la tête de l’armée combattre les Perses, il subit un grave échec et fut blessé au cours de la retraite. Il mourut noblement en conversant avec des philosophes sur l’immortalité de l’âme (juin 363).Rien ne demeura de son œuvre, anachronique et irréaliste. La réaction païenne continua dans les milieux aristocratiques et intellectuels, qui avaient accueilli avec enthousiasme les mesures de Julien, mais qui ne représentaient qu’une force limitée et déclinante.
Encyclopédie Universelle. 2012.